L’ardoisière de Linglé en 1903.

Depuis des siècles, plusieurs carrières se sont installées le long du ruisseau d’Aise entre Saint-Médard et Mortehan. D’amont en aval, on trouve dans la vallée d’Aise : les ardoisières du Petit Babinay, du Grand Babinay, de la Morépire, des Prigeais et des Anciennes Carrières, de la Maljoyeuse, des Collards, de la Goutelle Husson, de Wilbauroche et de Linglé.

Sur la carte no 162 de l’atlas de Ferraris de 1777 est déjà indiqué « Carrières d’Ardoises » à côté du « Moulin de Herbeumont » (disparu depuis). Il s’agit des ardoisières de la Maljoyeuse, des Prigeais et des Anciennes Carrières. La deuxième moitié du 19e siècle marque l’apogée de l’exploitation de l’ardoise dans la vallée que nos remonterons ici d’aval en amont.

NB : suivant les sources, plusieurs noms que vous retrouverez ici ont des orthographes multiples, comme « Morépire » – contraction des mots patois « mores » qui signifie noir et « pire » qui signifie pierre. On retrouvera les orthographes Morépire, Maurépire, Morépirre, Moraipire, les deux premières étant les plus usitées.
De même, on parlera des Prigeais ou le l’ardoisière du Prigeai, à l’instar de Wilbauroche ou Wilboroche, de Linglay, Linglez et Linglé ou encore des ardoisières des Collards, des Collard, du Grand et Petit Babinay, de Babinaye ou de la Babine.
Les plans de situation de chaque ardoisière sont originaires de l’ouvrage « Les ardoisières de l’Ardenne belge », par Annie Remacle (2007).

Les ardoisières de la vallée de l’Aise

Sources : Vincent Anciaux, Anne Remacle
La région ardoisière au nord d’Herbeumont. (Asselbergh, 1924)

La région de Bertrix fut un des importants secteurs géographiques de Belgique où on a extrait l’ardoise. Les exploitations se répartissent majoritairement dans deux fonds de vallées, la vallée d’Aise et la vallée des Aleines. Une des plus anciennes exploitations connues serait celle de la Maljoyeuse dont on fait remonter les traces au XIIIe ou XIVe siècle. Vient ensuite l’ardoisière de la Géripont. Mais il est difficile de retracer l’histoire de ce bassin avant le XVIIIe siècle.

La région va connaître son âge d’or au cours du XIXe siècle, avant d’entamer un lent déclin à partir des années 1880. Les sociétés les plus importantes se maintiennent au cours du XXe siècle. Le domaine de la Morépire est le dernier à cesser son activité extractive en 1976. Son ancien réseau souterrain est aujourd’hui ouvert à la visite sous l’appellation au cœur de l’ardoise. À proximité, l’ancienne ardoisière du Grand Babinay est exploitée sous la forme d’une carrière à ciel ouvert, la société des ardoisières d’Herbeumont.

Le personnel de l’ardoisière le Linglé en 1903.
Extraction de l’ardoise à Maurépire : acheminement des blocs par wagonnets jusqu’à l’atelier – 1953 (extrait du film du Musée de la Vie wallonne).

Bertrix – Herbeumont, vallée d’ardoisières

Le ruisseau de l’Aise est un affluent de la Semois. Il la rejoint sur ce qui était autrefois la commune de Linglé. Cette vallée fut un important siège d’extraction de l’ardoise qui s’étend depuis ce point jusqu’aux environs de Bertrimont. C’est aussi pourquoi on désigne la vallée d’Aise sous le nom de vallée des ardoisières.

Plusieurs exploitations se succèdent en effet sur une distance de 5 à 6 kilomètres : Linglé, Wilbauroche, Goutelle Husson, Maljoyeuse, les Prigeais et ses 16 concessions, le domaine de la Morépire (ouvert au public), le Petit et le Grand Babinay. Les sites de Maljoyeuse et des Prigeais paraissent être les plus anciens. Le déploiement s’intensifie dans la seconde moitié du XIXe siècle avant de ralentir à l’aube du XXe siècle.

La construction de la voie de chemin de fer Bertrix-Muno-Carignan n’influera pas sur cet infléchissement. Ainsi, Wilbauroche et la Gouettelle Husson cessent leurs activités vers 1910, Linglé en 1929. L’ardoisière du Petit Babinay fermera en 1935, le Grand Babinay en 1956 et la Morépire en 1977. Cette dernière sera aménagée pour l’ouverture au public en 1997. L’année suivante, l’exploitation, sous forme de carrière à ciel ouvert, sera reprise sur le site du Grand Babinay. Le site est maintenant connu sous la dénomination des Carrières d’Herbeumont.

Une chambre d’exploitation d’ardoises, ici à l’ardoisière des Collards. Des blocs se sont effondrés du plafond instable.  © Vincent Anciaux
Vue satellite du relief de la vallée de l’Aise et de ses environs. Outre l’empreinte laissée par la construction du chemin de fer, les sites ardoisiers sont bien visibles et indiquent l’étendue de l’exploitation ainsi que les modifications qu’elles ont apportées au relief de la vallée.

L’ardoisière de Linglé

Située sur le versant droit de la vallée du ruisseau d’Aise et versant gauche de la vallée de la Semois, la vaste ardoisière de Linglé (ou Linglay) fut établie en 1869 dans le relief dénommé Cul du Mont, depuis le niveau du ruisseau d’Aise et de la Semois jusqu’à une altitude voisine de 350m.

Comme on peut le constater sur des photographies anciennes, le site est important. Il subsiste de cette ardoisière qui cessa ses activités en 1929 quelques infrastructures résiduelles, dont un bâtiment qui servait de salle des machines.

L’ardoisière de Linglé en 1903. De longues rangées d’ardoises de couverture sont préparées pour le transport. Les galeries souterraines ne descendaient jamais sous le niveau de la Semois. Linglé fut exploitée successivement par Bonardeau de Bouillon, Mme Louis Pierlot puis Auguste Pierlot, qui en assura l’exploitation jusqu’à sa fermeture en 1929.
Les fendeurs au travail dans un des ateliers de l’ardoisière de Linglé en 1903. En 1911, on dénombrait environ 80 ouvriers, dont 6 jeunes de 13 à 16 ans.
L’ardoisière de Linglé vers 1922. La tour a fait place à l’imposante salle des machines.
Vue panoramique de Linglé et de son ardoisière au début du 20e siècle. L’étendue du site qui domine la vallée de la Semois est impressionnante et témoigne de la modification des reliefs sur les sites exploités.
En haut à droite de l’image, on aperçoit l’ardoisière de la Fortelle le long de la Semois.
Vue de l’ardoisière de Linglé en 1933.
Ruines de la salle des machines de l’ardoisière de Linglé en 2005, seul vestige encore bien apparent du long alignement d’infrastructures visible sur des photographies anciennes.  © Annie Remacle
La salle des machines à l’arrière-plan et une ruine à l’intérieur de laquelle s’ouvre un vaste plan incliné correspondant à l’entrée principale du réseau souterrain de l’ardoisière de Linglé.   © Aurélie Theys, 2022
Niche qui abritait la statue de Sainte-Barbe, la patronne des mineurs.  © Aurélie Theys, 2022
Le plafond de la poudrière, très bien conservée (2021).

L’ardoisière de la Fortelle

Située sur la rive droite de la Semois et ne faisant pas vraiment partie de la vallée du ruisseau d’Aise, la petite ardoisière de la Fortelle fut établie en 1849 dans le « Bois de la Fortelle » qui faisait lui-même partie du bois communal d’Herbeumont. L’exploitation, partiellement à ciel ouvert, était située de part et d’autre de la route menant d’Herbeumont à Linglé-Mortehan. De 1862 à 1863, 25 ouvriers y travaillent pour produire 750.000 ardoises. En 1886, suite à un éboulement causé par l’écrasement d’un pilier longrain, la fosse est abandonnée. L’exploitation reprendra par après mais cesse définitivement en 1912. Actuellement, quelques murs subsistent et une cheminée d’aération est encore visible dans le bois jouxtant la fosse. Le verdou, aujour’hui reboisé, s’étale quasiment jusqu’à la rive droite de la Semois.

L’exploitation à ciel ouvert, avant l’éboulement de 1886.
L’ardoisière de la Fortelle, vue depuis la rive gauche de la Semois, vers 1900. Son pierrier (verdou) s’étend quasiment jusqu’à la rive droite.
Vue de Linglé et de la Semois, vers 1900. On distingue, en bord de Semois, le site de la Fortelle et son imposant verdou, au centre de l’image.
Les bâtiments de la Fortelle, probablement dans les années 1920, se situent de part et d’autre de la route Herbeumont-Linglé qui a été édifiée en 1840-49.
Mur de soutènement en 2022.  © Aurélie Theys
Cheminée d’aération encore présente dans le bois de la Fortelle en 2022. Une galerie souterraine de plus de 30 mètres descendait jusqu’en dessous du niveau de la Semois.  © Aurélie Theys
Sur le haut du verdou, en bord de route, se dresse cette petite croix en pierre non schisteuse érigée en 1826 en mémoire de Louis Bastogne, mort noyé sur le chemin qui se situait alors au niveau de la Semois.  © Aurélie Theys

Les ardoisières de Wilbauroche
et de la Goutelle Husson (Nouvelles Carrières)

Le terme ardoisières de Wilbauroche regroupe ici plusieurs exploitations : Goutelle Husson et Wilbauroche. Outre les exploitations, on trouve aussi plusieurs aménagements pour canaliser la rivière.

La lecture du terrain sur l’ancien site de Wibauroche est assez compliquée avec sa reconversion en scierie d’une part et le passage de la voie ferrée à proximité dont les aqueducs enterrés collectent une partie des eaux des ruisseaux environnants.

Wilbauroche

Ce centre ardoisier est établi au sud de la route des Ardoisières, entre le km 11 vers l’est et le pont du chemin de fer (pont de Wilbauroche) vers l’ouest. Le site est traversé d’est en ouest par le ruisseau d’Aise, dont le cours était en grande partie souterrain, et est voisin de l’ardoisière de la Goutelle Husson, située à une centaine de mètres, plus à l’est.

Une partie des « Nouvelles Carrières » a subi de grands bouleversements lors de la construction du chemin de fer entre 1904 et 1914 ; toutes les ouvertures ont été comblées à cette époque. Le site correspond à l’ensemble des fosses ouvertes dans la Côte de Wilbauroche, échelonnées sur une distance de près de 350 m.

Le site ds ardoisières de Wilbauroche en 1905, avant la construction du chemin de fer, transformé en scierie.
Wilbauroche en 1905, avant le chemin de fer : c’est dans ce secteur que se trouvaient jadis l’économat des ardoisières (démoli en 1955) et une scierie.
Ardoisière de Wilbauroche en 1962 : quelques ruines subsistent, 50 ans après la fermeture.
Vue aérienne du site des ardoisières de Wilbauroche (à gauche) et de la Goutelle Husson (à droite) en 1972. En 1841, deux des fosses des ardoisières de Wilbauroche produisaient 100 000 ardoises par an.
Les ardoisières de Wilbauroche : dans un aqueduc qui canalise le ruisseau d’Aise.  © Vincent Anciaux.
Les ardoisières de Wilbauroche : dans un aqueduc qui canalise le ruisseau d’Aise.  © Vincent Anciaux.
Le ruisseau d’Aise à l’air libre à Wilbauroche (2024).
Vestiges de l’économat des ardoisières, à Wilbauroche (2022). Quelques rares murs sont encore partiellement debout.   © Aurélie Theys
Galerie d’exploitation (2024). En 1849, les travaux atteignaient 25 m de profondeur sous le niveau du ruisseau d’Aise. Les Nouvelles Carrières sont abandonnées depuis 1909.
Accès à la poudrière des ardoisières de Wilbauroche, semi-enterrée.
Entrée de la poudrière des ardoisières de Wilbauroche (2022).  © Aurélie Theys
À l’intérieur de la poudrière (2024). Cette grande poudrière est encore en bon état; elle fut édifiée hors sol puis fut partiellement enterrée.

La Goutelle Husson

Cette ardoisière, dont l’exploitation se situe entre 1837 et 1909 ou 1919 selon les sources, est intégrée dans la forêt domaniale d’Herbeumont et située à une centaine de mètres de l’extrémité orientale du site de Wilbauroche.

Le site est traversé par un sentier. Au sud du sentier se trouve une partie boisée où s’ouvre, au pied d’un banc rocheux, l’entrée d’une fosse à deux galeries, précédée d’un accès en creux long d’une trentaine de mètres, où quelques lambeaux de murs de soutènement subsistent. La galerie de gauche (entrée triangulaire) s’enfonce horizontalement, tandis que celle de droite (entrée rectangulaire) est inondée et montre une poutre en bois et plusieurs barres de fer. Les murs édifiés jadis au niveau de cette double entrée sont visibles sur une photographie de 1905 (ci-dessous). Ils ont presque complètement disparu.

Extraction de l’ardoise à dos d’homme, à la sortie de l’ardoisière de la Goutelle Husson (Herbeumont-Bertrix) en 1905.
Au même endroit en 2024.
Ardoisière de la Goutelle Husson : un groupe d’ouvriers en 1905.
Une chambre d’exploitation de la Goutelle Husson.  © Vincent Anciaux.
Ardoisière de la Goutelle Husson : une galerie horizontale qui mène à une chambre d’exploitation. Autrefois, cette galerie était ferrée, comme le relief du sol le trahit.  © Vincent Anciaux.
Au départ de la galerie horizontale, accès aux chambres d’exploitation aujourd’hui inondées.  © Vincent Anciaux.
Ardoisière de la Goutelle Husson : niche qui servait au stockage des explosifs.  © Vincent Anciaux.

La carrière de la Maljoyeuse

Le site de la Maljoyeuse est une ancienne ardoisière à ciel ouvert, la seule de la région d’ailleurs. Toutefois, on trouve malgré tout des sondages souterrains dans sa proximité. La route qui conduit de Mortehan au Domaine de la Morépire coupe le site en deux parties. On retrouve en effet, le long du ruisseau, plusieurs aménagements qui donnent à penser qu’on y avait prévu des aires pour stocker la pierre.

Les premières traces d’exploitation dans ce secteur remontent entre les 13e et 14e siècles. Mais la partie visible aujourd’hui remonte aux années 1840 et postérieures. L’eau qui envahissait le fond de la carrière, devenue aujourd’hui un étang, était évacuée par une pompe à bras jusqu’au ruisseau d’Aise. Cette ardoisière a été fortement perturbée par la construction du chemin de fer : l’assiette de la ligne était tracée juste au dessus de la fosse, compromettant son exploitation future, jugée trop dangereuse (risque d’éboulement, tirs de mine). L’ardoisière de la Maljoyeuse a fermé vers 1920. Les bâtiments seront démontés en 1936.

Les dalles de deux mètres sur trois étaient extraites de la carrière de la Maljoyeuse et traînées sur des rouleux par plusieurs chevaux jusqu’à la scierie qui se trouvait de l’autre côté de la route.
La pierre était ensuite polie sur place pour former de belles dalles qui serviraient pour du pavement, des appuis de fenêtre, des seuils de porte, des tables de billard, des éviers, etc.
Plusieurs lavoirs de la vallée de la Semois possèdent des bacs lavoirs en schiste originaire de la Maljoyeuse.
La carrière de la Maljoyeuse vue depuis la route, en 1885.
L’ardoisière à ciel ouvert de la Maljoyeuse, en 1885. On distingue la pompe à bras qui servait à maintenir la fosse au sec. L’eau était acheminée par aqueduc sous la route, jusqu’au ruisseau d’Aise tout proche. 
La scierie de pierres de la Maljoyeuse. Après la découpe des blocs, le transport des ardoises était assuré par un attelage en 1885.
L’ardoisière de La Maljoyeuse en activité au tout début du 20e siècle. La carrière de la Majoyeuse a été fortement perturbée par la construction du chemin de fer sur sa dalle Nord, à l’instar des installations de Wilbauroche. Le site a fermé vers 1920. L’étang de la carrière est toujours là 100 ans plus tard. (© Duparque)
La carrière à ciel ouvert de la Maljoyeuse, comme on peut la voir aujourd’hui. La fosse principale, à ciel ouvert, est complètement sous eau.
Vue du surplomb de l’ardoisière de La Maljoyeuse en 1912 lors des travaux de construction du chemin de fer.
Démarrage d’exploitation aux abords de la carrière de la Maljoyeuse.  © Aurélie Theys
Le ruisseau d’Aise, le long de la route.  © Aurélie Theys
Canal de drainage qui passe sous la route et qui amenait l’eau pompée dans la carrière vers le ruisseau.  © Aurélie Theys
Extrémité d’un canal de drainage vers le ruisseau d’Aise  © Aurélie Theys

L’ancienne ardoisière des Collards

Cette ancienne concession s’étend le long d’un affluent de l’Aise. Plusieurs fondations de bâtiments sont visibles en plusieurs endroits, dont un ancien aqueduc.

Ce site ardoisier a connu plusieurs périodes d’exploitation, dont on peut se rendre compte dans les éléments encore visibles, et potentiellement dangereux. La bibliographie situe la période d’exploitation entre 1830 et 1886 (ou 1889). La première irait de 1830 à 1845 environ et la seconde après 1877. 1877 est l’année à laquelle on relève une autorisation faite à Pierlot et Heynen d’ériger dix baraques sur le site.

Courrier de Burniaux à Surice à Mrs Pierlot et Heynen, propriétaires de l’ardoisière des Collards en 1878.
La taille de l’ardoise au tout début du 20e siècle.
Une équipe d’ouvriers prennent la pose à l’occasion de la fête nationale du 21 juillet 1920.
Ancienne ardoisière des Collards : un escalier menant à une chambre d’exploitation.  © Vincent Anciaux
Aqueduc d’ardoisière.  © Vincent Anciaux
Ancienne ardoisière des Collards : une petite chambre d’exploitation.   © Vincent Anciaux
Entrée d’une galerie d’expoitation.  © Aurélie Theys
Ardoisière des Collards : au milieu de cet ancien atelier, la nature reprend ses droits.  © Aurélie Theys
Vestiges d’ateliers de l’ancienne ardoisière des Collards.  © Vincent Anciaux

L’ardoisière des Prigeais (Anciennes Carrières)

Le site ardoisier des Prigeais (ou du Prigeai) réunit pas moins de 16 anciennes petites concessions. Leur origine remonte au 18e siècle et elles ont petit à petit été réunies au sein d’un même ensemble. Cette structuration s’est faite sous l’impulsion de la famille Pierlot à partir de 1837. Le site sera exploité jusqu’en 1922.

Le site s’est déployé sur plus de 550 mètres le long de la vallée d’Aise dont le cours a été profondément remanié en fonction des besoins et de l’extension des exploitations. On y a déployé des moulins pour l’exhaure ainsi que plusieurs retenues d’eau dont des vestiges sont encore visibles.

Plusieurs fronts de taille sont encore visibles, bien qu’en voie d’effondrements. À plusieurs endroits, on peut en effet observer des attaques de la roche de formes trapézoïdales qui, au fil du temps, ont pu devenir souterraines. À ces ensembles sont associés des réseaux exclusivement souterrains.

Ancienne vue de l’ardoisière des Prigeais (Anciennes Carrières), rue des Ardoisières (direction Bertrix).
Les ardoisières des Prigeais (Anciennes Carrières) en 1905 : un groupe d’ouvriers.
L’ardoisière des Prigeais (Anciennes Carrières) en 1905 : un coin du chantier.
Extraction de l’ardoise à dos d’homme. (extrait du film du Musée de la Vie wallonne)
Le site de l’ardoisière des Prigeais aujourd’hui : quelques ruines subsistent près du ruisseau d’Aise. Petit à petit, la nature reprend ses droits.  © Aurélie Theys
Ruines d’un ancien bâtiment.  © Aurélie Theys
Dans une chambre de l’ardoisière des Prigeais.  © Vincent Anciaux
Entrée d’une chambre de l’ardoisière des Prigeais.  © Vincent Anciaux
Aujourd’hui, on peut encore voir la chapelle Sainte-Barbe édifiée en 1894 qui domine une des entrées de l’ardoisière des Prigeais.   © Vincent Anciaux

Les ardoisières de la Maurépire

Aussi appelée Morépire, cette ardoisière, qui est la dernière de la vallée d’Aise à avoir fermé (en 1977), est aménagée depuis 1997 pour accueillir le public (‘Au Cœur de l’Ardoise’). Elle comprend en surface deux parties contiguës : à l’est les infrastructures destinées à l’accueil des touristes et à l’ouest un grand verdou en partie exploité dans les années 1970.

Les traces d’exploitation les plus anciennes à l’ardoisière de la Morépire, dont le nom vient du patois « pierre noire » pourraient remonter à 1836. Néanmoins, son essor réel commence en 1889 avec la société L. et A. Pierlot. Les premières chambres sont établies à partir d’une ancienne galerie horizontale. Aux premiers accès souterrains, a priori rudimentaires, succède le percement d’un plan incliné. L’ardoisière se déploie sur trois niveaux : 25, 45 et 60 mètres.

En 1973, l’ardoisière de la Morépire fusionne avec les ardoisières de Martelange (ardoisière Donner) et de Warmifontaine. La société qui regroupe ces trois exploitations prend le nom de société Inarbel. La pierre qu’on extraira ne sera plus transformée sur place, mais à Warmifontaine.

La société ferme le site de l’ardoisière de la Morépire en 1976. La fermeture, annoncée comme provisoire, devient définitive quelques mois plus tard avec le démontage des pompes d’exhaure (pompage des eaux) puis la destruction d’une partie des bâtiments.

Enquête du Musée de la Vie wallonne consacrée à l’exploitation de la carrière souterraine d’ardoise Maurépire, en activité à Herbeumont en 1953 (film 8000162, muet). © Musée de la Vie wallonne
« Au cœur de l’ardoise »
Au cœur de l’ardoise : dans l’ardoisière Maurépire, 1 km de galeries à 25 mètres sous terre, des salles de 8000 m3 ouvertes à l’explosif, des vestiges rares de l’industrie ardoisière (rails, wagonnets, outils…).  © Syndicat d’initiative de Bertrix
L’ardoisière de la Morépire (pierre sombre en wallon) à Bertrix vous emmène dans les profondeurs de l’Ardenne à la découverte du travail des scailtons, les mineurs d’ardoises.
Exploitée de manière industrielle de 1889 à 1976, cette ancienne ardoisière permet de comprendre les techniques d’extraction et la spécificité du bassin ardoisier de la vallée de l’Aise où les ardoisières existent depuis le 14e siècle.
Très conviviale, cette plongée dans les souterrains se fait à votre propre rythme grâce à des bornes d’audioguidage (français, néerlandais et wallon) qui permettent des départs permanents et une visite autonome pour toute la famille.
Vue générale des ardoisières de la Morépire en 1905.
Le 3 mars 1902, le personnel est en grève.
Vue depuis les ardoisières de la Morépire vers la route de Bertrix en 1905, avant la construction du premier pont de La Blanche.
Le personnel de l’ardoisière de la Maurépire.
1905. Fin de journée, travail accompli. Pour les scaillons, bientôt l’heure d’aller fêter la fin de la journée dans un des multiples troquets qui ne manquaient pas tout le long de la vallée de l’Aise.
Canal alimentant l’ardoisière de la Morépire avant la construction du viaduc ferroviaire, vers 1905.
L’ardoisière de la Maurépire en 1905.
Déchargée du wagonnet, l’ardoise est acheminée vers l’atelier à dos d’homme (extrait du film du Musée de la Vie wallonne).
L’ardoise entre à l’atelier. À l’arrière-plan, on distingue le viaduc ferroviaire de la Maurépire, aussi dit Pont de la Blanche. (extrait du film du Musée de la Vie wallonne).
En 1946, pas moins de 108 ouvriers y travaillaient. Les chambres d’exploitation étaient atteintes par un plan incliné d’environ 40° creusé dans le mur de la couche. Les étages exploités comportaient 10 chambres réparties sur diverses profondeurs. (extrait du film du Musée de la Vie wallonne).
L’ardoisière de la Morépire en 1953 : évacuation des déchets (extrait du film du Musée de la Vie wallonne).
Acheminement d’un bloc par câble en sous-sol vers 1952.
L’ardoisière de la Morépire vers 1952 : les ardoises sont façonnées à la main.
Un fendeur d’ardoises en 1953.
L’ardoisière au début des années 1950.
Le site de la Morépire, vers 1952.
La poudrière, partiellement enterrée en 2002. © Annie Remacle

L’ardoisière du Grand Babinay

Cette ardoisière, située sur le territoire de la commune de Saint-Médard (act. Herbeumont), a été ouverte vers 1884. Elle était communément appelée « Les Courtois ». Il existe un puits profond de 100m, creusé suivant l’inclinaison et dans le mur de la couche. L’exploitation comporte une douzaine de chambres réparties sur 3 étages. Les chambres ont en moyenne 30 m de longueur sur 18 à 20 m de hauteur.

L’ardoisière est ouverte en 1884 par H. Feiner et Courtois et sera reprise ensuite par un allemand nommé Scherke. En 1909, la demoiselle Léontine Pierlot reprend ce chantier seule. De 1920 à 1938, Auguste Pierlot en prit la direction. Puis il y eut un arrêt de 1938 à 1940. La direction est ensuite confiée à Alphonse Waucque de Bruxelles en 1940 et 1941. Puis un nouvel arrêt jusqu’en 1946. À partir de 1946 et jusqu’à la fermeture en 1956, Hubert Pierlot reprend la succession. Notons qu’en 1929, 89 ouvriers y travaillaient. Ce chantier est à nouveau exploité par Benoît Pierlot, depuis 1999, mais à ciel ouvert. (source : Lautenbach)

L’ardoisière du Grand Babinay, aussi appelée « Le Courtois », en 1898.
Le personnel de Feiner & Courtois au Grand Babinay en 1898. La plupart sont originaires de Saint-Médard et Orgéo, quelques-uns d’Herbeumont.
En 1898, le personnel de l’ardoisière du Grand Babinay pose sur la route, sur un chariot d’ardoises tiré par des chevaux. À l’avant-plan, un petit chien, la mascotte de l’équipe.
L’ardoisière du Grand Babinay (côté Est) vers 1900.
L’ardoisière du Grand Babinay (côté Ouest, le long de la route) vers 1900. En 1888, 50 ouvriers y produisaient 2.300.000 ardoises.
Le personnel devant les ateliers du Grand Babinay en 1922. 
Sur ce cliché, quelques fendeurs travaillent en atelier de surface. En 1929, 89 ouvriers y travaillaient.
Extraction à dos d’homme.
Le site du Grand Babinay en 2001. Quelques anciens bâtiments en ruine subsistent le long de la route.  © Annie Remacle
Sur le site du Grand Babinay, cet ancien bâtiment a été reconverti en maison d’habitation.
L’ancienne ardoisière du Grand Babinay est exploitée aujourd’hui sous la forme d’une carrière à ciel ouvert, la société des ardoisières d’Herbeumont.

L’ardoisière du Petit Babinay

Cette ardoisière fut créée en 1876 et ferma en 1935.

L’ancien site ardoisier s’étend sur près de 250 m, parallèlement au ruisseau de Moraipire, affluent de l’Aise. Il comprend notamment un replat arboré où se dresse une cheminée, avec, à proximité immédiate, une entrée de fosse murée (présence d’une petite brèche), une zone en friche, un terre-plein riche en fleurs et en papillons de jour. Le verdou de cette ardoisière est allongé parallèlement au ruisseau et présente par endroits une hauteur de 12-15 m et même plus ; il a été exploité en différents points.

Le Petit-Babinaye ou Ardoisieres de Saint-Médard.
Cette ardoisière est en activité depuis 1876; en 1913, elle a produit environ 4.000.000 d’ardoises. L’exploitation fut interrompue pendant la guerre 14-18 au cours de laquelle les bâtiments furent détériorés, et quelques-uns incendiés. L’année 1919 fut consacrée presqu’entièrement aux travaux d’exhaure et de rééquipement du siège. En 1920, la production s’éleva a 2.700.000 ardoises. 
(Asselbergh, 1924)
L’entrée du puits d’exploitation du Petit Babinay en 1902.
Témoin d’une activité industrielle qui fut importante dans cette partie de l’Ardenne, c’est dans cette ardoisière que subsiste la dernière cheminée encore debout, avec celle de l’ardoisière Donner à Martelange. © Annie Remacle (2001)
L’ardoisière du Petit Babinay avec sa cheminée, au début du 20e siècle.
Vue générale des ateliers du Petit Babinay vers 1910. L’ardoisière restera en activité jusqu’en 1935.
La production des ardoises, prêtes pour l’expédition, au Petit Babinay en 1902.
Bordereau d’expédition d’ardoises et autres matériaux, 1927.
Le site du Petit Babinay en 2020, vu depuis la route. Les verdous sont envahis par la végétation.
Suite à l’altération de l’aqueduc (ici en 2002 – aujourd’hui disparu) passant sous le chemin à l’extrémité ouest du site, d’importants travaux ont été effectués: le ruisseau circule maintenant à l’air libre et le tronçon du chemin n’existe plus. © Annie Remacle
Sources, crédits et remerciements :

Vincent Anciaux, Annie Remacle, Louis Lenzen, Aurélie Theys, E. Asselberghs, Luc Selleslagh, F-R Lejeune, Trekkings.be, Tinel, Christian Fièvé, Erwin van Havermaet, Marc Plainchamp, Yvon Jusseret, JC Delhez, Patrick Thys, J. Gengoux, Defechereux, collection G. Smetz et G. Demeulder, Victor Lansink, David Leclercq, Le Saglé, Le Musée de la Vie Wallonne, Delcampe, Éditions L. Duparque, Éditions Iris, Champ le Monde, railations.net, Geneanet, Commune d'Herbeumont, Syndicat d'initiative de Bertrix, Google Maps, Itinéraires Wallonie (balnam.be), Rail.lu, SNCB, TVLux, Altitude 120, 1914-18.be, Au cœur de l'ardoise, Ardoisières d'Herbeumont, Lautenbach, Portail de la biodiversité en Wallonie, Portail de la Wallonie, WalOnMap, Archives de Wallonie, Nels, Cim.

Malgré nos recherches, certaines sources iconographiques n'ont pas pu être identifiées.